Golden Gate
Vikram Seth a choisi d'écrire son premier roman… en vers, en hommage à l'Eugène Onéguine de Pouchkine. Composé de près de 594 sonnets, Le Golden Gate, publié en 1986, met en scène une ronde de personnages dans le San Francisco des années 1980 : un cadre de Silicon Valley, une artiste, une avocate - tous des Américains ordinaires pris dans la tourmente de leurs émotions, carrières, ruptures… Les amitiés et les amours se font et se défont sur fond de lutte anti-nucléaire ; on croise des chats plus ou moins bien intentionnés qui sèment la zizanie dans les couples, un iguane relativement apprivoisé et des sculptures kitschissimes… Les saisons se succèdent à San Francisco, le pont du Golden Gate semble s'étirer sans fin dans l'air pur de la Californie, et le roman de Seth emporte le lecteur dans son tranquille tourbillon. Et voici comment l'auteur lui-même s'explique, au beau milieu de son livre, sur sa démarche poétique :
La semaine dernière, après avoir écrit
Le chapitre que vous venez juste de lire,
Alors que j'ébauchais d'autres péripéties
Avec une énergie qu'on ne saurait décrire,
Un éditeur - au cours d'une soirée mondaine
(riche en vins et en mets, d'une classe certaine)
Donnée par Thomas Cook (souhaitons-lui longue vie!)
A l'occasion de la sortie de mon récit
De voyage au Tibet - me prit le bras : " Ami,
Sur quoi travaillez-vous ? " " Un roman… " " Epatant !
Sachez, Vikram, que nous sommes tous impatients -"
" … en vers ", ajoutai-je aussitôt, et il jaunit.
" Ma foi, c'est pittoresque en diable ", conclut-il
Avant de s'éclipser, la démarche fébrile.