Le dérèglement du monde : Quand nos civilisations s'épuisent
La thèse centrale de cet essai vaste, puissant et ambitieux pourrait être ainsi résumée : le dérèglement du monde tient moins à la " guerre des civilisations " qu'à l'épuisement simultané des civilisations, l'humanité ayant atteint en quelque sorte son " seuil d'incompétence morale ".
A l'âge des clivages idéologiques qui suscitait le débat succède celui des clivages identitaires, où il n'y a plus de débat. Islam et Occident : les deux discours ont leur cohérence théorique, mais chacun, dans la pratique, trahit ses propres idéaux.
L'Occident est infidèle à ses propres valeurs, ce qui le disqualifie auprès des peuples qu'il prétend acculturer à la démocratie. Sa tentation : préserver par la supériorité militaire ce que ne lui assure plus sa supériorité économique ni son autorité morale. Sa volonté de dominer le monde le dispute ainsi à son désir de le civiliser. La guerre en Irak en est un bon exemple : on a dit partout que les Etats-Unis apportaient la démocratie à un peuple qui n'en voulait pas. La réalité est exactement l'inverse : ils n'ont pas apporté la démocratie à un peuple qui en rêvait !
Le monde arabo-musulman n'a plus ni la légitimité généalogique ni la légitimité patriotique autour desquelles il s'était historiquement structuré - magnifique développement sur la trajectoire de Nasser. Vivant dans l'humiliation et la nostalgie régressive de son " Age d'or ", l'ère des islamismes ayant succédé à l'ère des nationalismes, il se trouve condamné à une fuite en avant dans le radicalisme.
Ces " dérèglements symétriques " ne sont qu'un des éléments d'un dérèglement planétaire plus global qui exige que l'humanité se rassemble pour faire face à des urgences qui, à l'exemple des perturbations climatiques, menacent tous les peuples. Et si la Préhistoire de l'humanité prenait fin sous nos yeux, ouvrant dans les convulsions le grand chapitre d'une nouvelle Histoire de l'homme qui commence?