5, rue des Italiens : Chroniques du Monde
II n'était nullement désordonné. Il fallait simplement dresser l'oreille, lire et écouter attentivement. Les idées s'emboîtaient parfaitement dans les mots. Le marmonnement n'était là que pour nous abuser. Il nous faisait croire au décousu de ses chroniques, à l'emmêlement de sa conversation. Rien n'était en fait plus organisé, plus construit, plus adroit que cette écriture faussement négligée. Cet homme-là nous a bien possédés.
Jean-Paul Kauffmann
Maintenant, il nous reste à relire du Frank, nous enfoncer dans cette prose duveteuse, reconnaître ces phrases au premier coup d'œil, ces subordonnées qui s'enchantent d'elles-mêmes, ces parenthèses alambiquées qui retombent sur leurs pieds, ce fil qui fait semblant de zigzaguer. On lit ces pages comme on lit dans les lignes de la main - on y apprend des choses sur soi.
Éric Neuhoff
Bernard n'était pas fait pour le mariage. Il était fait pour l'amour. On n'épouse pas un homme parce qu'il vous fait rire. Mon père me l'avait bien dit. Nous n'avons jamais eu de conversation de couple entre nous, nous parlions de tout mais pas de nous, et le jour de notre divorce, nous n'en avons pas eu non plus. " Je vous déclare divorcés, a dit la juge, et c'est sans appel." N'ayant pas bien compris ce qu'elle entendait par " sans appel ", je lui répondis: "Ça m'étonnerait puisqu'on s'appelle tous les jours." Elle quitta son bureau en claquant la porte et Bernard éclata de rire.
Claudine Vernier-Palliez