L'Amérique, 1965-1990 : Chroniques
Avant d'écrire le récit autobiographique qui la fit redécouvrir, Joan Didion fut l'une des plus fines chroniqueuses de l'Amérique désaxée des années 60 et 70. Les textes recueillis dans ce livre, restés à ce jour inédits en France, ont acquis aux Etats-Unis un statut quasi mythique. Ils sont en quelque sorte son chef-d'œuvre ; elle y révèle toute l'étendue de son talent, la force de son écriture, et l'acuité de son regard. Qu'elle entraîne son lecteur dans une plongée en immersion au cœur du quartier hippie de San Francisco en 1967, à une session d'enregistrement avec les Doors, dans les collines de Los Angeles terrorisées par la " famille " Manson, à New York en proie à l'hystérie collective au lendemain d'un meurtre à Central Park, sur la plage hawaïenne de Tant qu'il y aura des hommes, ou encore dans les méandres de ses propres fêlures mentales, Joan Didion ne cesse de surprendre, de déranger, et d'émouvoir.
" Je veux que vous sachiez, à mesure que vous me lisez, très précisément qui je suis, où je suis et à quoi je pense. Je veux que vous compreniez exactement à quoi vous avez affaire. Vous avez affaire à une femme qui, quelque part en cours de route, a égaré le peu de foi qu'elle avait jamais eu dans le contrat social, dans le principe de progrès, dans le grand dessein de l'aventure humaine. Je me fais l'effet d'une somnambule, sensible uniquement à l'étoffe dont sont faits les mauvais rêves, aux fous, aux rôdeurs tapis dans l'ombre, aux enfants perdus, à toutes les armées de l'ignorance qui s'agitent dans la nuit. Je ne suis pas un microcosme de la société. Je suis une femme de 34 ans qui a de longs cheveux raides, un vieux bikini et une crise de nerfs, assise sur une île au milieu du Pacifique à attendre une lame de fond qui ne vient pas. "
- Joan Didion, 1969