Faute d'identité
En novembre 2009, j’ai vécu une expérience qu’ont déjà connue des centaines de milliers de nos concitoyens. Français depuis toujours, je me suis vu refuser le renouvellement de mon passeport. Incapable de fournir les documents prouvant la nationalité de mes parents, français de longue date mais nés à l’étranger, j’ai été expédié par l’administration dans un no man’s land juridique. Je me suis retrouvé dans la peau d’un Français précaire, avec un droit de voyager restreint. Cette expérience m’a transformé. Comme tout le monde, j’ai une histoire familiale. Je n’avais pas imaginé qu’un jour elle me vaudrait des ennuis. On me demande comment je suis devenu français. Eh bien, je réponds à ma façon. Mon père, modeste figure de la France libre, cinéaste reconnu dans les années 1950, issu d’une famille juive laïque et francophone, était milanais. Ma mère, réfugiée hongroise, chassée de son pays par la guerre, dessinatrice de mode, venait d’un milieu calviniste de Budapest. Je me suis rendu compte que le lien qui m’a uni à mes parents, à leur histoire, à leur passé, à ce monde de la Seconde Guerre mondiale dont ils sont issus, était bien plus fort que je ne pensais ; et que mon rapport à leur passé m’a façonné.
Je croyais échapper à mes origines, elles m’ont rattrapé. En me penchant sur mon enfance, je me suis aperçu que ces origines m’ont donné une identité à la fois forte et fragile, dont la survivance est aujourd’hui problématique. Ce livre est aussi pour moi l’occasion de célébrer un monde disparu, certes bâti sur les ruines et la destruction, mais libre, généreux, léger et confiant en l’avenir, bien plus que les temps obscurs que nous traversons. » M. A.