Le génie de la bêtise
Ce livre, comme tous les ouvrages de Denis Grozdanovitch, est une sorte de flânerie dilettante et savante, une promenade philosophique et littéraire éclectique, prenant fatalement la forme d'une série de variations sur le thème éminemment flaubertien de la bêtise.
Tout commence ici par une « Invitation faite au lecteur » où il est suggéré que la Bêtise et l'Intelligence ne cessent de s'opposer sur la scène intellectuelle et existentielle. Ne sommes-nous pas, tous, des personnages de Molière, de Goldoni, de Marivaux ou de Beckett ? Grozdanovitch en est persuadé...
D'où ce livre qui va d'un certain Valentin, idiot de village, (qui initia l'auteur à la beauté de la bêtise) à une « taxinomie des imbéciles » (où il est question de la stupidité des « Experts »), d'anecdotes talmudiques (ici innombrables) à un développement sur « la bêtise de l'intelligence », de Clément Rosset à Jean Clair, du théorème de Gödel à Monsieur Teste, etc...
On trouvera également dans ce livre, l'histoire du fantôme stupide, celle du joueur d'échecs qui refait toujours la même erreur, un résumé « enrichi » de La conscience de Zeno d'Italo Svevo, les mésaventure d'un aviateur déçu, des robots joueurs de foot et bien d'autres figures dont l'auteur tire quelques leçons d'éthique contemporaine. Inutile de préciser, enfin, que le Bouvard et Pécuchet de Flaubert et L'idiot de la famille de Sartre occupent, dans ce livre, une place assez centrale.
La morale de « Grozda » : un génie à l'apparence idiote dort en chacun de nous et il suffit que la fortune - assistée d'une certaine qualité de volonté personnelle - nous aide à le libérer de son infériorité supposée pour qu'il se transforme en enchanteur. Ce livre est un vrai bijou d'érudition et de charme.
On y réfléchit en souriant.
On s'y amuse avec gravité.