Et tu n'es pas revenu Prix Lectrice Elle
« J'ai été quelqu'un de gai, tu sais. Malgré tout ce qui nous est arrivé. Je pouvais raconter le pire en riant, ou ne plus y penser. » Ainsi commence cette lettre de Marceline Loridan-Ivens à son père.
Tous deux ont été déportés, elle à Birkenau, lui à Auschwitz, où il disparaît en 1943. De ces mois, de ces années de fer et de sang, il ne reste rien : si ce n'est les mots, le souvenir, le regard et l'émotion de Marceline.
Du 61, rue des Saints-Pères, où elle vit depuis quarante ans, elle tend la main : la haine est là, à portée, les camps, Mengele, les wagons de fer, l'odeur, la cruauté et la neige. Mais aussi la douceur. Et ce père merveilleux, un peu idéaliste, qui réussit à lui faire passer un bout de papier avec quelques mots. Un trésor, un testament pour sa fille de quinze ans. Mais dont elle ne sait plus rien : les mots même se sont effacés...
La vie a passé, Marceline Loridan-Ivens a aimé, vécu, voyagé, cru à la révolution, réalisé des films : pourtant ces mots la cherchent. Parole de paix, de vie, au travers des bois et des chairs brûlés. Marceline raconte, on ne parle jamais assez : la petite fille seule, sa poupée à la main, qui marche vers la chambre à gaz ; la jeune femme bousculée par le « trag » de Marceline, abattue sous ses yeux par un nazi ; Mengele, qui hante le camp, comme un démon, sa baguette à la main...
« Tes mots s'en sont allés. Ils me parlaient d'un monde qui n'était plus le mien. J'avais tout perdu. Il a fallu que la mémoire se brise, sans cela je n'aurais pas pu vivre ».