Le maître: roman
"C'était il y a vingt-cinq siècles dans le royaume de Song, entre le Fleuve Jaune et la rivière Houaï : Tchouang naquit les yeux ouverts et sans un cri. Il était froissé, édenté, chauve, puisque les nouveaux-nés ressemblent aux vieillards : les hommes entrent en scène aussi démunis qu'ils en sortent. Sur la terre chinoise, le premier cri constitue l'individu, car l'âme se manifeste par le souffle, mais l'enfant n'avait pas crié. Consciente de l'anomalie, sa mère voulut le voir de plus près. "Ce vilain tétard est un démon !" dit-elle dans un murmure, et mourut à l'instant dans les bras des servantes..." Bienvenu dans la Chine du Vème siècle avant Jésus-Christ, où nous guide, avec sa passion et son immense talent, Patrick Rambaud. Un monde en soi, méconnu, poétique et violent, où "tombe" soudain cet enfant, fils Sur Surintendant des présents et cadeaux. Dans ce royaume gigantesque, l'or est partout, la faim aussi, les princes et les rois ont des esclaves, des éléphants, des nains, ils font rôtir ou découper leurs ennemis, écoutent des poèmes, font commerce de femmes et d'épices, lisent Confucius.... Patrick Rambaud nous conte la vie de cet enfant : ni tétard ni démon, il est surtout curieux, libre, attentif à la vie, aux métiers, à la pratique du monde ; bientôt inventif, sage ; proche du peuple. C'est ainsi qu'il deviendra le plus grand philosophe chinois, Tchouang Tseu, donnant son nom à son livre légendaire, suite magnifique d'histoires vivantes, où l'on croise des bouchers, des seigneurs, des tortues, des faux sages... C'est un destin inouï que nous propose le grand romancier de La Bataille - à mi-chemin de la fable et de la philosophie, des concepts et de la vie quotidienne, du roman picaresque et du "devisement du monde". On rit, on apprend, on découvre, on s'étonne, dans cette Chine dont le vrai prince est un philosophe...