Sida, un défi anthropologique
Ethnologue, enseignante au Collège de France, Françoise Héritier, fut en 1989 nommée par François Mitterrand à la tête du Conseil National du Sida. Cet organisme de réflexion, qui existe encore, avait été créé pour se saisir des problèmes « éthiques et techniques » que cette maladie nouvelle posait à la société. Pendant sa présidence, qui dura cinq ans, Françoise Héritier a écrit plusieurs articles sur les aspects les plus saillants de la maladie, notamment sur la stigmatisation de l’autre, surtout s’il est étranger, ainsi que sur les fluides : sang, sperme et lait, par lesquels se transmet le VIH et qui avaient déjà été au coeur de son enseignement sur l’anthropologie du corps.
Ces textes sont aujourd’hui réunis dans ce volume, qui entend montrer tout d’abord l’actualité de la réflexion menée dans les années 1990 concernant une maladie n’ayant malheureusement toujours pas été éradiquée, en dépit des progrès dans les soins, notamment les trithérapies. Ensuite, ce livre est un plaidoyer pour une approche anthropologique de la maladie. En partant du rôle de « révélateur social » du sida, Françoise Héritier nous pousse vers une nouvelle façon de penser les relations humaines, elle nous oblige à puiser dans d’autres valeurs que celles qui enferment les hommes dans l’insécurité et la peur. Car, c’est désormais à d’autres formes de sentiments, tout aussi humains, tels que la solidarité et la confiance qu’il nous faut impérativement faire appel.
Un livre important d’une intellectuelle de premier plan, qui pourra nous permettre de prendre la mesure historique des progrès accomplis dans les traitements et même dans les représentations du sida.
Texte réunis et présentés par Salvatore D'Onofrio.