Haute curiosité
« Commissaire-priseur, il est vrai que c'est un drôle de métier qui s'apparente à l'art du spectacle, à cela près que la vedette n'est pas celui qui parle haut, s'agite sur une tribune, ponctuant régulièrement son discours de coups de marteau, mais bien plutôt l'objet. Pièce d'autant plus animée qu'à chaque instant environ cent vingt fois dans un après-midi, un nouveau comédien surgit et, tel Guignol, salue comme il se doit le commissaire, se retourne vers le public, fait le beau et s'esbigne à la dernière enchère.
Le thème de la comédie jouée chaque jour à Drouot, comme dans toute salle des ventes, c'est quelque chose comme «l'objet mis en jugement» et «ouragan sur la brocante».
Stimuler les passions, énumérer les chiffres, donner des coups de maillet fut mon occupation pendant plus de trente ans. Une sorte de juge de paix chargé de tenir la balance égale entre celui qui désire se défaire au plus haut prix de son objet et le voisin qui brûle de l'acquérir pour pas cher. «Pour rien.» Ainsi dira-t-on d'un Van Gogh adjugé seulement 100 millions, comme on peut affirmer de la même oeuvre qu'elle est sans prix. C'est Babel et la confusion des langages. »