Poèmes choisis
« Tout objet de beauté est une joie éternelle :
Le charme en croît sans cesse ;
Jamais Il ne glissera dans le néant, mais il gardera toujours Pour nous une paisible retraite, un sommeil Habité de doux songes, plein de santé, et qui paisiblement respire.
Aussi, chaque matin, tressonsnous Des guirlandes de fleurs pour mieux nous lier à la terre, Malgré les désespoirs et la cruelle disette De nobles natures, malgré les sombres journées Et tous les sentiers malsains et enténébrés Ouverts à notre quête ; oui, malgré tout cela, Une forme de beauté écarte le suaire De nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune, Les arbres vieux ou jeunes qui offrent le bienfait de leurs printaniers ombrages Aux humbles brebis ; tels sont encore les narcisses Et le monde verdoyant où ils se logent, les ruisseaux limpides Qui se bâtissent un frais couvert En vue de l'ardente saison, le taillis au fond des bois, Richement parsemé de la splendeur des roses musquées ;
Telle, aussi, la magnificence des hautes destinées Que nous avons rêvées pour les plus grands des morts ;
Tels, encore, tous les contes charmants lus ou entendus, Fontaine intarissable d'un breuvage immortel Qui s'épanche en nos coeurs du bord même des cieux.
Et ce n'est pas seulement pendant une heure brève Que nous pénètrent ces essences ; non, comme les arbres Qui chuchotent autour du temple sont bientôt devenus Aussi précieux que le temple lui-même ; ainsi, la lune, La poésie - cette passion - merveilles infinies, Nous hantent jusqu'à devenir le réconfortant flambeau De nos âmes et s'attacher à nous d'un lien si étroit Que, dans le plein soleil comme sous un ciel couvert et sombre, Il nous les faut toujours à nos côtés, ou c'est la mort. » Endymion, livre I, 1-33 (Avril-décembre 1817.)