L'éloquence tempérée du Bouddha. Souverainetés et dépossession de soi
Comment parler de "rhétorique" à propos de l'aire culturelle qui se nourrit de l’enseignement du Bouddha ? Comment user de cette expression tellement liée au duel verbal, à l’affrontement contradictoire, à la passion ostentatoire de la prise de parole par rapport à une civilisation qui privilégie l’anéantissement de soi, la distance sereine et la parole tempérée ?
C’est l’objet de ce livre. Rada Ivekovic invite le lecteur à suivre à la fois les chemins des grands textes sacrés du bouddhisme et une réflexion philosophique sur ce qu’impose à un esprit occidental, formé au conflit des positions et à la manipulation des consensus, une traversée du champ bouddhiste de la persuasion. Elle propose un itinéraire initiatique à travers ce qui, autrement pourrait se nommer la rhétorique "sans rhétorique" du Bouddha, conduisant le lecteur sur quatre véhicules d’interprétation :
– le paradoxe existentiel du sujet qui rompt avec notre conception occidentale de la résistance
– les exercices spirituels de dématérialisation
– l’impermanence qui fera refuser à Gandhi de vouloir le pouvoir
– la rhétorique du non-explicite.
Mais, faire ainsi surgir face à notre optique occidentale une optique qui dénie ce qui fonde même la rhétorique telle que nous la connaissons (la prise de position du sujet, la conviction d’avoir raison, le triomphe d’une opinion sur une autre) conduit l’auteur à poser une question pourtant fondatrice de l’éthique rhétorique grecque : comment vivre humainement? Rada Ivekovic propose donc de faire passer la leçon du Bouddha dans les débats actuels sur l’avenir de notre espèce et suggère qu’accepter l’enseignement éloquent du Bouddha et admettre la difficulté que nous avons à saisir le bien-fondé d’une rhétorique sans rhétorique est peut-être la clef de notre sauvegarde.