La Figuière en héritage
« Eugène Gauthier avait l'habitude de se rendre chaque année sur le marché aux grains de Besançon, où il traitait directement avec les fournisseurs. Les balles d'absinthe étaient ensuite chargées sur des péniches et voyageaient par le canal du Rhin au Rhône. "Et après ?" avait questionné Mélanie, impatiente de savoir. Eugène lui avait adressé un sourire complice. "Après, ma belle, vous découvrirez sur place la suite des opérations. A la distillerie." Elle avait reçu sa dernière phrase comme une promesse. » Belle propriété nichée au pied du Ventoux, la Figuière a tout de suite conquis le coeur de Mélanie. Elle qui revient de loin - une enfance douloureuse entre brimades et solitude de l'Assistance publique, puis chez des agriculteurs ardéchois - et qui n'en oublie rien pressent que son avenir se joue ici, dans ce havre de paix. Pour cela, la jeune cartonnière de Valréas accepte d'épouser, malgré leurs différences de fortune et d'éducation, Alexis, fils d'un garancier du Vaucluse, reconverti dans la distillerie d'absinthe. La « fée verte » est alors la boisson nationale. Mélanie s'épanouit dans son nouveau métier et investit toute son énergie dans la fabrique Gauthier auprès des ouvriers jusqu'en 1915, date à laquelle l'absinthe est définitivement interdite. L'ancienne distillerie deviendra alors un lieu d'hébergement pour enfants abandonnés.