C'est rien ça va passer
«Je vous coupe les queues a dit la marchande de fruits et légumes serrée à déborder dans son corsage. J'ai été tenté de répondre que j'en avais qu'une et ne tenais pas à ce qu'on me la coupe je n'ai pas osé. Enfonçant dans mon sac Franprix mes poireaux équeutés j'ai dit merci. Pas facile de se comporter en mec vulgaire et marrant quand on a pas l'habitude. Quand on est considéré comme un homme sérieux et bien élevé.
Les poireaux pour une soupe (aux poireaux) qu'il s'agissait de préparer d'urgence. À cause de la gamine. La Zouze. Ma fille. Sa mère me l'a expédiée au week-end. Mariane veut se libérer pour aller pratiquer le squash. Dans la nouvelle salle du centre de loisirs. Avec son nouveau copain. Et la petite a toujours dit depuis qu'elle a l'usage de la parole que la soupe c'est bon pour les enfants, d'accord, mais le potage en brique – Knorr ou Liebig ou quoi – non elle aime pas.
J'aime pas, elle lance. Et c'est réglé. Ça signifie inutile d'insister donne-moi des nouilles. Si je l'écoutais elle ne mangerait que des nouilles. Je ne vais pas rendre demain soir à sa mère une gamine de huit ans au ventre bourré de pâtes. Même fraîches. Bonne journée chez papa? Ouais. T'as bien mangé? Ouais, des nouilles. Ce sera classé encore une fois à la rubrique Incompétence du père.»