Échapper
Dans son roman La Leçon d'allemand, l'écrivain allemand Siegfried Lenz raconte l'histoire du jeune Siggy qui tente de comprendre comment son policier de père qu'il aimait tant a pu persécuter pendant la guerre un de ses plus proches amis, peintre de son état, que les nazis accusaient d'être un artiste dégénéré.
Lionel Duroy a toujours été fasciné par ce livre qui recoupe ses thèmes favoris : le rapport douloureux à la famille et à la filiation, qu'il a admirablement traité dans son roman le plus célèbre, Le Chagrin, et qu'on retrouve au coeur de son oeuvre, tout comme son obsession pour le destin des enfants de tortionnaires qui l'a poussé à écrire L'Hiver des hommes. L'idée lui est venue d'écrire la suite de La Leçon d'allemand. Il n'en fera rien, bien sûr, mais partira néanmoins s'installer quelques semaines à Husum, dans le nord de l'Allemagne, où se situe l'action de ce roman.
L'endroit lui est d'autant plus précieux que, quelques mois auparavant, il y a entraîné pour un dernier voyage la femme qu'il a tant aimée et qu'il savait avoir perdue. Dans cette région austère et magnifique, au bord de la Baltique, il s'engage dans une quête multiple et obsessionnelle où il cherche à retrouver à la fois le souvenir si précieux des derniers moments passés avec sa femme, à visiter les lieux où se déroule le roman de Lenz, que celui-ci se révèle avoir en grande partie inventés, mais aussi à retrouver les endroits où a vécu Emil Nolde, le peintre ayant servi de modèle au personnage de Lenz.
Le récit de cette quête tendre et légèrement hallucinée est le sujet de ce roman très singulier qui marque une étape très importante dans l'oeuvre de Lionel Duroy. Car ce livre est aussi le récit d'une libération. Comme si, en effectuant ce voyage et en écrivant ce livre, Lionel Duroy s'était affranchi de toutes les contraintes qu'il s'était imposées toute sa vie. À la fin d'Échapper, le lecteur découvre un homme et un écrivain totalement libre.