La transparence de l'aube
Triste et curieux destin que celui de la femme du Grand Condé, le vainqueur de Rocroi, à qui Jean-Christian Petitfils, sous la forme de Mémoires apocryphes, prête sa voix. En 1634, alors qu'elle n'a que six ans - Condé en a douze -, le père de ce dernier obtient de Richelieu son consentement au mariage des deux enfants. Après des noces somptueuses en 1640, il faut peu de temps à la jeune princesse follement amoureuse pour comprendre que la réciproque n'est pas vraie. Pour elle, les déceptions se multiplient : apprendre la mort de son protecteur Richelieu, comprendre qu'au même moment son mari n'a qu'une idée en tête : obtenir l'annulation de son mariage à Rome pour pouvoir en épouser une autre, souffrir son indifférence le jour où elle met au monde un fils. Comment le coup de tonnerre de Rocroi, en 1643, qui laisse l'Europe médusée devant le génie militaire d'un mari notoirement infidèle, pourrait-il panser ses plaies ? La Fronde des princes est, semble-t-il, la période où le couple se rapproche. La princesse, qui a pourtant subi tant d'avanies du Grand Condé, prend son parti avec passion mais ne parvient pas à le dissuader de trahir son pays en passant du côté espagnol. Viennent son amnistie, puis le retour en grâce du prince. Les passions politiques apaisées, alors que l'entente forgée dans les épreuves aurait pu se consolider, c'est l'incompréhension qui reprend ses droits. Impliquée dans une sombre affaire probablement montée de toutes pièces, la princesse est accusée d'adultère et reléguée à Châteauroux en 1670. La malheureuse n'apprendra même pas la disparition de Condé, en 1686, et, sur ordre de son fils qui a pris le parti de son père, restera en captivité jusqu'à sa mort en 1694.