Fouché
« Je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre ;: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché [...]. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment. »
Ces lignes célébrissimes de Chateaubriand, dont on n'a retenu que le vice appuyé sur le bras du crime, contiennent l'essentiel de Joseph Fouché (1759-1820), duc d'Otrante : le régicide, l'organisateur des mitraillages de Lyon, l'inamovible ministre de la Police de Napoléon, l'acteur clé dans le retour de Louis XVIII, doté d'une extraordinaire habileté, d'une intelligence politique aiguë et d'un cynisme absolu.
Et qui était mieux placé qu'André Castelot, dont l'oeuvre abondante et multiforme a enchanté des générations de lecteurs, pour s'attaquer à ce monument de duplicité ? Le biographe étincelant de Marie-Antoinette, Napoléon, Talleyrand ou Charles X partage avec le lecteur le mépris et la fascination qu'il éprouve devant cet homme aux sincérités successives qui, trahissant ses amis, savait transformer ses ennemis en débiteurs. Utilisant une documentation en partie inédite ainsi que les Mémoires de Fouché que l'on a longtemps crus apocryphes, cet « écrivain d'histoire et d'histoires » - ainsi qu'il se qualifiait - restitue avec bonheur les différents visages de celui qui osa prétendre un jour : « Je ne suis pas un roi, mais je suis plus illustre que la plupart d'entre eux. »