Robespierre
« Aucun nom ne restera de cette époque, excepté Robespierre. Il n'était cependant, ni plus habile, ni plus éloquent que les autres, mais son fanatisme politique avait un caractère de calme et d'austérité qui le faisait redouter de tous ses collègues. » Plus de deux siècles après sa mort, le jugement de Germaine de Staël demeure d'actualité. Si tous les protagonistes de la période sont parfaitement connus des historiens, et si l'on sait que la décennie révolutionnaire fut particulièrement féconde en personnalités hautes en couleur - qu'il suffise d'évoquer Danton, Marat, Hébert ou Mirabeau -, c'est sans conteste la figure de l'Incorruptible qui surgit d'emblée lorsqu'on interroge la mémoire collective des Français.
Bien davantage que dans la puissance qui lui fut conférée par les institutions, la fascination exercée par Robespierre réside dans son exceptionnel pouvoir d'incarnation. Nul autre révolutionnaire ne personnifia davantage la défense des droits et l'homme et l'exigence de la démocratie. Ses combats pour le suffrage universel masculin ou la liberté de la presse, ses prises de position contre la loi martiale ou la peine de mort en matière judiciaire, ses innombrables interventions en faveur du « peuple bon, patient et généreux » le créditèrent progressivement d'une popularité sans égale dans une large fraction de l'opinion.
Personnification d'un peuple en quête de sa souveraineté, "l'Incorruptible" porte tout autant le poids d'une Terreur dont la véritable nature n'a jamais cessé de faire débat. Sa dénonciation permanente des « traîtres » et des « conspirateurs » trouva dans la situation dramatique de l'an II l'occasion de se déployer au plus haut sommet de l'État. Sa froideur, son dogmatisme et son intransigeance, nourries d'un sentiment de persécution attesté par de nombreux contemporains, contribuent plus encore à noircir son image.
À la fois défenseur des droits du peuple et théoricien d'une Terreur fanatique, Robespierre demeure donc le symbole achevé d'une révolution à la fois fraternelle et fratricide qui ne cesse de faire débat depuis deux siècles. C'est bien cette double identité qu'entend restituer la présente biographie, inspirée des travaux les plus récents et servie par une iconographie rare issue des prestigieuses collections de la Bibliothèque nationale de France.