L'Âme soeur
Elle s'appelait Corinne. Christine l'appelait Ma Co, en deux mots. L'un pour l'appropriation, l'autre pour le diminutif. Avec le temps, Ma et Co s'étaient soudés pour ne former qu'un seul mot. Maco était sa petite soeur.
Une nuit, elle est partie sans crier gare, elle avait 35 ans. Quelques heures après lui avoir annoncé qu'elle attendait son troisième enfant. Depuis, la grande soeur abandonnée se morfond en silence, se heurte à l'absence, au rude plus jamais.
Puis, un jour, elle décide d'aller à la rencontre de Maco, de parler d'elle -d'elles- d'écrire un livre, ce livre dans lequel elle méprise l'imparfait et fait revivre Maco qui est devenue son "Ame Soeur".
Elle évoque leur enfance dans cette partie du Maghreb qui regarde l'Atlantique et les Açores. Les murs de leur chambre tapissés de petites phrases qu'elles connaissaient par coeur. Leurs différences. Christine lisait parce qu'elle avait peur de la vie. Maco, elle, se jetait dans la vie.
A dix-huit ans, Maco s'était éprise de Passim, un homme de quatorze ans son aîné et l'avait épousé. Elle s'était laissée couper les ailes avec délices, était retournée vivre au Maroc après un bref séjour à Paris.
Mais, au royaume des Mille et Une Nuits, elle avait perdu peu à peu l'éclat de ses yeux. Pour cet homme, elle s'était convertie à l'islam. Elle avait eu deux enfants. Elle croyait être parfaitement heureuse, jusqu'au moment où elle avait découvert qu'il la trompait. Elle avait alors demandé le divorce. Elle avait découvert, ensuite, qu'au Maroc, les hommes ont tout pouvoir. Passim l'empêchait presque tout le temps de voir ses enfants et détruisait ainsi sa vie.
La nouvelle vie qu'elle tentait de construire auprès d'un homme de son âge qui l'aimait et qui l'aidait et auquel, après neuf ans de vie commune, elle avait décidé de donner un enfant, malgré sa santé chancelante. Elle savait qu'une grossesse pouvait lui être fatale...