La Compagnie des menteurs
Nous sommes en 1348, au sud de l’Angleterre, à Kilmington pour la foire de la Saint-Jean. Camelot, un vendeur itinérant de reliques et autres fragments d’espoir, donne à manger à une curieuse gamine famélique de 12 ans. D’apparence étrange, de comportement farouche, c’est une devineresse. Crainte, haïe, méprisée, Narigorm lit dans les runes, et ne ment jamais.
Mais l’évènement marquant de la journée sera sans nul doute le premier cas de peste dans la ville. C’est la panique, et certains habitants prennent la fuite.
Camelot, lui aussi, reprend sa route, décidé à aller vers le Nord en évitant les côtes du pays puisque c’est là que sont signalés les foyers les plus importants de contagion.
Sur son chemin vont se trouver quelques personnages eux aussi en fuite, venant peu à peu grossir cette troupe itinérante.
Au final ils seront 9, 9 à errer de village en village ou plutôt de contournement de village en contournement de village, pour éviter d’être face à face avec la peste. Pour fuir certainement un passé qu’on devine trouble, pour chercher… l’espoir d’une autre vie, sans maladie, sans crainte ? Qui sait.
Camelot, avec Narigorm et Plaisance, avec Rodrigo et Jofre (un musicien et son élève), avec Cygnus (un homme possédant une aile de cygne), avec Zophiel (un prestidigitateur possédant une sirène), avec Osmond et Adela (un jeune couple attendant la naissance toute proche de leur premier enfant) commence un voyage, vers le Nord, puis vers l’Est, vers la sécurité peut-être.
Mais dans un pays qui tombe peu à peu dans le chaos et l’anarchie, sous une pluie persistante, les superstitions font rage, les loups affamés rôdent, et les mensonges ne peuvent rester longtemps tus. Car il y a des tensions, des heurts, la cohabitation ne se fait pas sans mal. C’est un combat permanent pour manger à sa faim, et pour survivre.
Surtout quand il y a un premier mort. Puis un autre. Puis encore un autre.
Doutes et suspicions menacent le groupe.
Quelle sera l’issue de ce curieux voyage ?
Lecteur amateur de thriller avec un rebondissement à chaque page et un meurtre une page sur deux, passe ton chemin !
Tous les autres, restez !
Ce livre n’est pas donc pas un thriller à proprement parler, bien que chaque page amène son lot de surprises ou de détails soigneusement distillés.
Ce livre vaut surtout pour le magnifique rendu d’une époque, d’une ambiance, d’un climat. Les descriptions sont précises, le vocabulaire parfait, un ton particulier s’installe. Le réalisme est saisissant. On ne peut que s’incliner devant le talent de Karen Maitland pour cette belle justesse.
Pas de suspense, mais l’envie bien réelle de tourner les pages pour en savoir plus, pour mieux connaître les personnages et ce qu’ils ont à cacher. Car derrière les apparences parfois contrefaites, les âmes sont également torturées.
L’auteur, à petites touches, dévoile peu à peu le passé et les secrets des uns et des autres, dans cette époque où les tabous rivalisent avec les préjugés, où les peurs conditionnent les comportements.
Plongez dans le Moyen Âge ! Mettez vous dans la peau de Camelot et observez bien ce qui se passe. Marchez sur les routes boueuses, craignez pour votre vie et la survie de votre âme !
Les meurtres ajoutent le petit plus, la chute n’est pas totalement imprévisible, mais finalement ce n’est pas le plus important.
Le plus important reste cette fuite d’une certaine vérité. Celle que l’on laisse derrière soi. Et même celle que l’on s’invente jusqu’à presque y croire.
Le mensonge n’est parfois qu’une forme déguisée d’espoir….
Un excellent livre, qui sans être un véritable thriller, est une très belle fresque historique et humaine.