Une Malle pleine de gens
Antonio Tabucchi déballe avec tendresse et curiosité la malle sans fond où Pessoa avait entassé ses manuscrits et ses doubles littéraires. Il évoque par la même occasion un contexte politique et culturel, celui des avant-gardes à Lisbonne au début du siècle, et suggère de subtils rapprochements avec certains contemporains (Svevo, Rilke).
Le livre s'articule autour des fameux hétéronymes, ces substituts (Caiero, de Campos, Reis, Search, Soares, etc.) que Pessoa s'inventa pour donner voix aux personnages divers et parfois contradictoires qui l'habitaient, dans un jeu dangereux où, à la limite de la folie, il devenait chaque fois "autre que soi sans cesser d'être lui-même". Jouant de solides mais distantes références à la philosophie ou à la psychanalyse, s'appuyant sur une connaissance détaillée de la vie et de l’œuvre, Tabucchi varie les approches en prenant soin de ne pas étouffer le mystère.
L'érudition est celle d'un spécialiste attitré, et le ton celui d'un écrivain qui en accompagne un autre dans les méandres d'une oeuvre éminemment ouverte.