El Pelele
« El Pelele est ce qui reste d’un « projet Goya » qui m’a accompagné pendant des années, depuis, en tout cas, la partie consacrée à un tableau de Goya dans ma pièce Fuochi sparsi créée à Parme en 1994. Jamais je n’ai véritablement songé à écrire une pièce en costumes, une évocation du temps que Goya traversa et subit. Je voyais plutôt quelque chose comme une sorte de remémoration, à partir de l’exil de Bordeaux et du mystérieux et tardif voyage à Paris, d’où le peintre ne ramena qu’un seul dessin : une vieille femme sur un chariot tiré par un chien, avec ce commentaire : « Yo lo he visto en Paris. » La pièce est un reste comme l’est ce dessin, et Goya y est davantage une matière qu’un motif, son nom, jamais prononcé, agit comme une sorte de clef musicale fixant la tonalité. A certains moments, toutefois, même si l’action se déroule de nos jours, la référence à ses images est active, de façon au moins implicite.
El Pelele est le titre du carton de tapisserie de Goya de 1791 où l’on voit quatre femmes faire sauter en riant un pantin au-dessus d’un drap tendu. Il s’agit du nom du pantin lui-même. J’ai choisi de donner ce nom à la pièce et au personnage principal, d’une certaine façon pour en fixer l’origine et la localisation, dans l’espace sinon dans le temps. Comme dans beaucoup d’œuvres de jeunesse de Goya, on voit pointer, sous des dehors encore gracieux, le renversement qui sera sa marque exclusive, et mon personnage va dans le sens de cet assombrissement. » Jean-Christophe Bailly
El Pelele sera créé le 15 mai 2003 à l’Odéon (dans la nouvelle salle du boulevard Berthier) dans une mise en scène de Georges Lavaudant. Comme dans Pandora (1992), dont El pelele peut être considéré comme le pendant, la rencontre entre le mythe et la réalité quotidienne déclenche une sorte d’orage. La couleur est donc plutôt sombre, et l’ombre de Goya, même s’il s’agit du monde actuel, semble veiller sur les figures, nombreuses, qui animent les différents tableaux.