Comme un cuivre qui résonne
Ce nouveau recueil réunit douze nouvelles, chacune mettant en scène un personnage principal qui vit un événement heureux ou malheureux - le plus souvent les deux à la fois -, le temps de l'histoire. Une vie en raccourci, en quelque sorte.
Stamm campe ses personnages en quelques coups de crayon, d'une acuité incroyable, avec toujours la même économie de mots.
Dans L'attente, Daphné, une vieille fille entre deux âges qui mène une vie désespérément banale, guette les bruits en provenance de l'appartement du dessus et vit, entre phantasmes et réalité, une histoire d'amour torride avec son voisin.
Dans Corps étranger, Christoph, un jeune spéléologue, multiplie les conférences sur sa dernière expédition au centre de la terre pour tenter de surmonter l'angoisse qu'il a connue dans un boyau d'où il a cru ne jamais ressortir vivant. Il finit par revivre cette terrible expérience comme une seconde naissance.
Dans les Trois Soeurs, Stamm revisite la Heidi de notre enfance : une Heidi très intéressée par les femmes, qui rêve de devenir artiste peintre et de se présenter au concours des Beaux-arts à Vienne. Malheureusement, elle ne sort pas d'Innsbruck, se fait piéger par une maternité non désirée, et se retrouve engluée dans une vie de petite bourgeoise dont on sent qu'elle fera tout pour s'échapper.
Le Résultat raconte l'histoire de Bruno. Il travaille à la réception d'un grand hôtel et, inquiet du résultat d'une biopsie, il tente de fuir la mort en plongeant nu (la nudité est un thème récurrent dans l'oeuvre de Stamm qui a d'ailleurs un sens très fort, très archaïque du rituel), en pleine nuit, dans la superbe piscine du 4 étoiles.
Dans Enfants de Dieu, un jeune prêtre un peu mal dans sa peau traverse un champ de betteraves comme on traverse un désert, atteint « une île » et s'y déshabille.
S'ensuit un conte de Noël moderne, qui le transformera, lui et son entourage. Ce texte a la puissance d'une Annonciation, d'une Nativité de la Renaissance. On est submergé par cette belle légende, et pourtant cela se déroule sous nos yeux, aujourd'hui, au coeur de notre monde profane...
Il y a aussi cet homme qui ne supporte pas la mort de sa mère et se sent si malheureux, si seul, qu'il sombre dans la folie et croit que le monde entier veut sa peau. (Videocity)
Ou l'architecte Wechsel, cet homme d'âge mur qui, l'espace d'un après-midi, de passage dans son village natal, revit l'amertume de son premier mariage raté et se réconcilie avec son passé en enlevant quelques fleurs fanées de la tombe de sa femme... (Vieillesse)
Ou encore, dans Les vestiaires « Hommes », cet adolescent si fragile, si mal à l'aise, qui tente de percer les mystères de la féminité en jouant avec son propre corps dans une piscine en plein air, désertée.
« C'est peut-être justement cette froideur extrême du regard qui fait naître des sensations chez le lecteur, tout comme ce sont les non-dits, le vide qui permettent aux images de surgir. Peut-être justement cet ancrage systématique dans le monde des objets qui permet à ces textes cette élévation. Le fait que malgré leur dépouillement, ils miroitent et scintillent, est la preuve qu'ils ont atteints les limites de la perfection artisanale et qu'ici commence le grand art. Dès lors tout commentaire devient superflu. Ou même gênant. Il ne reste plus qu'à s'incliner. Et peu importe si cela prend un caractère religieux. (Stefan Beuse, titel-magazin)