Journal volubile
Le Journal d'Enrique Vila-Matas couvre les années 2005 à 2008. Il s'agit de comptes rendus de livres, de films, de récits de voyage, de réflexions plus ou moins métaphysiques, de considérations sur Barcelone passée aux mains des touristes, d'atermoiement flaubertiens sur l'avancée irrémédiable de la bêtise en Occident, jamais ou très peu de la vie privée de l'auteur. A la faveur de déplacements professionnels (ou non) de l'écrivain, celui-ci ouvre des portes relativement inconnues à Lisbonne, Prague, Helsinki, Mantoue et on rit des réflexions de ce voyageur qui joue les Candide. Evidemment l'éventail littéraire de Vila-Matas est resté celui auquel il nous a habitués, mais s'y ajoutent Montaigne et Erasme dont la tolérance suscite l'admiration de l'auteur. On se déplace sans cesse dans ce journal, de même qu'on déplace les lignes qui délimitent la littérature ; fiction et essai n'ont jamais été si habilement mêlés. L'auteur sème des pépites dans lesquelles il explore le continent littéraire qui lui est le plus cher (Kafka, Sebald, Tavares, entre autres), raconte des voyages inattendus (la Finlande, la Slovénie) et évoque ses joies (ses lectures, ses amitiés) et ses peines (la progression de l'ignorance et de la sottise en Occident, la maladie). Le livre danse entre la fiction et l'essai à un rythme qui gomme toute frontière entre nos limites et l'aspiration à l'infini et invente un nouveau genre qui pourrait s'appeler le journal métaphysique. Un regard d'une extrême lucidité sur un certain désastre.