En marge ; La route du retour ; De Marquette à Veracruz
En marge est une copieuse autobiographie dans laquelle « Big Jim » lâche la bride à ses « sept obsessions : l'alcool, le striptease, la chasse et la pêche (et les chiens), la religion, la France, la route et notre place dans le monde naturel » en sept chapitres aussi savoureux que des ris de veau aux morilles accompagnés d'un grand Côtes-du-Rhône (actuellement, son vin préféré). Mais En Marge montre aussi le « pauvre petit Jimmy » fou de douleur après la perte de son oeil gauche, sujet à des dépressions chroniques, seulement capable de survivre au fond de la forêt, dans un chalet solitaire situé près d'un lac, comme Thoreau dans ce livre fondateur de la littérature américaine qu'est Walden. Entre ces deux figures imaginaires et presque mythiques que sont « Big Jim » et « Poor little Jimmy », se dresse de toute sa stature - fil rouge de cette autobiographie - l'écrivain Jim Harrison dont l'écriture à la fois truculente et mélancolique, violente et subtile, nous propose depuis près de quarante ans un portrait inédit de cet autre mythe qu'est l'Amérique. La route du retour est sans doute le roman le plus malicieux et le plus impressionnant de Jim Harrison. Composé de trois parties, qui sont autant de journaux intimes, c'est une grande fiction américaine où se mêlent les genres épique, lyrique et dramatique pour former une vaste fresque à la fois poétique et réaliste, truculente et nostalgique, brassant l'histoire de l'Amérique, depuis les guerres indiennes et les massacres qu'on sait, jusqu'à nos jours. Jamais sans doute Jim Harrison n'a aussi bien évoqué ce mélange de profane absolu et de visions sacrées qui constitue selon lui l'existence. Jamais il n'a créé avec autant de verve et de sensibilité, de puissance et de finesse, des personnages plus grands que nature. Dans De Marquette à Vera Cruz, pour régler de vieux comptes avec sa famille fortunée, compromise depuis trois générations dans l'exploitation forestière éhontée du Michigan, David Burkett décide de s'exiler dans un chalet de la Péninsule Nord. Son père est une sorte d'obsédé sexuel, un prédateur qui s'attaque à de toutes jeunes filles, tandis que sa mère se réfugie dans l'alcool et les médicaments. Au cours de son passage à l'âge adulte - car il s'agit bel et bien d'un roman d'éducation contemporain -, David fera la connaissance d'un inoubliable triumvirat de jeunes femmes : Riva la Noire qui a décidé de consacrer sa vie aux enfants miséreux, Vernice la poétesse affranchie des conventions, et Vera, la jeune Mexicaine violée par le père de David alors que le jeune homme en était amoureux. Roman d'une tragédie familiale, roman de la trahison et de la foi en la vie, de la joie et de la souffrance, roman où la sexualité la plus allègre côtoie en permanence la mort et la violence la plus crue, roman tourmenté, écrit « face aux ténèbres », De Marquette à Veracruz est sans doute le livre le plus ambitieux, le plus admirable de Jim Harrison, et l'un des romans les plus marquants de ce début de siècle.