Bien malin qui connait son père
Angela Carter, exubérante, subversive et très imaginative consacra son oeuvre à revisiter les mythes établis, questionner à l’infini le visage féminin et son irrépressible liberté et se lancer à bride abattue dans le carnavalesque. Son roman, Bien malin qui connaît son père, appartient à cette veine. Le jour de ses soixante-quinze ans, Dora décide de raconter sa vie et celle de sa jumelle, Nora. Selon ses propres termes, les deux soeurs sont « identiques » mais pas « symétriques », ce qui les a préservées de la monotonie de la gémellité et leur a permis bien des aventures. La narratrice s’amuse et se grise de son propre récit désopilant et loufoque, retraçant quelques soixante années de l’histoire du théâtre et du cinéma de Londres à Manhattan et Hollywood, à travers le destin des deux jumelles, rejetons illégitimes d’un grand acteur shakespearien, lui-même issu d’une lignée de comédiens. Le lecteur est subjugué par l’atmosphère du roman et la densité de ses personnages des années soixante qui voient la décadence du puritanisme et la libéralisation débridée des moeurs, dans un texte qui n’a pas vieilli. Mélange parfait d’élégance et de grossièreté, l’écriture foisonne de calembours, avec un humour caustique qui ne cesse de briller.