Eloge des herbes quotidiennes

"Regardez ce carré d'herbes : qui les voit encore aujourd'hui ? Croyez-moi, vous devriez vous attacher à elles, elles vous le rendront au centuple." C'est en ces termes que Balthus conseillait à Alain Vircondelet, avec lequel il écrivait alors un ouvrage sur ses Mémoires, de se consacrer au destin minuscule et ordinaire des herbes des talus et des prés. Sitôt de retour chez lui et après la mort de Balthus, Alain Vircondelet s'est souvenu du message du grand peintre. Il s'est alors attaché à un mètre carré d'herbes de son parc, en Gascogne, et les a observées durant quatre saisons. L'expérience poétique initiale d'Alain Vircondelet, lui a valu dès l'âge de 20 ans d'avoir été préfacé par Marguerite Duras et publié chez Pierre Seghers. Cette expérience, confortée par la fréquentation affectueuse des plus grands poètes de la fin du siècle dernier : Jabès, Tortel, Leiris, Guillevic, Michaux, Pieyre de Mandiargues - qui a aussi préfacé son premier roman - a exercé son oeil à une vision poétique du monde qu'il a transmise dans ses biographies et dans ses récits consacrés à son enfance algérienne, traduits aujourd'hui dans le monde entier. S'intéresser aux herbes, c'est non seulement s'intéresser à leur destin glorieux et tragique à la fois, mais aussi s'intéresser au destin des hommes. Il est ressorti de ce travail minutieux, une méditation à la fois spirituelle et métaphysique, au-delà de l'apparence simple et presque naïve de ces courts poèmes qui rappellent la tradition chinoise ou arabe ou encore la poésie des fioretti de saint François.