Concertina
Exercices de mémoire, exercices d'amour pour des cours patients, en marge du temps. Des enfants s'inventent une cité de sucre dans un cimetière, un laveur de vitre funambule attend l'orage, un éboueur, depuis son beau navire, s'imagine une idylle africaine ; dans un jardin ouvrier, les cendres d'une lettre brûlée se mêlent aux fleurs d'un cerisier, les passagers d'un bus se croisent et s'accompagnent dans leur solitude, les murs d'une prison, d'un hôpital appellent la magie de la neige ou des fleurs des champs. Il y a aussi des escargots, des abeilles, des colombes, messagers de la vie d'avant. Une montre à gousset, un violon, un parfum s'abîment un jour pour délivrer un secret. Une certaine mélancolie accompagne ces héros malgré eux comme une façon d'être au monde sans vouloir renoncer à leur chagrin parce qu'il parle encore du bonheur perdu. A travers cette vingtaine de fictions courtes, l'esprit d'enfance se décline contre le souffle de la mort, des vies fragiles aux horizons tissés de fils de soie ou de fils barbelés, une " concertina " enroulée dans une belle écriture, rapide et précise, traversée par des éclairs de poésie. Ces nouvelles valent par la sensibilité fine qui s'y manifeste à l'égard des plus démunis, des êtres qui vivent dans le silence, auxquels un langage est prêté, sans pathos ni fioritures, par un auteur subtil qui maîtrise ses effets en préservant toujours un halo de mystère. Distillée par petites touches, des petits bouts de phrases au ton toujours juste, l'émotion dévoile un regard délicat qui fait vivre le moindre geste dans toutes ses répercussions affectives et permet à chacun de trouver soudain sa lumière.