Le roman de Cuba
Dans l’imaginaire occidental, et pas seulement, Cuba reste cette terre de plaisir, où des plages de carte postale la disputent à la beauté insolente de ses femmes, où la sensualité n’est pas vain mot et le tourisme sexuel jamais très loin. Où les meilleurs cigares du monde, roulés à même les cuisses dodues des mulâtresses dont ils tirent leur saveur, s’accompagnent de la dégustation d’un rhum Añejo vieux d’une bonne quinzaine d’années. Les amateurs y verront là un avant-goût du Paradis terrestre, que Christophe Colomb situera d’ailleurs à quelques milles marins de là. D’autres y ajouteront les nombreux rythmes essaimés tout au long de son histoire, notamment aux XIXe et XXe siècles, et qui depuis ont fait danser la terre entière. Si habanera, son et autre danzón n’interpellent que les plus âgés, même les « sautilleurs » de tekno d’aujourd’hui ont entendu, au moins une fois dans leur vie, parler du boléro, de la rumba, du mambo, du chachachá, et plus encore de la salsa, très à la mode, en partie à cause du boom touristique, ces derniers temps. Les grosses et belles américaines des années 1940 et 1950, qui continuent de rouler leur carcasse rutilante aux quatre coins de l’île, de La Havane en particulier, certaines avec le million de kilomètres au compteur, charrient aussi leur part de nostalgie et prolongent l’idée d’un pays suspendu dans le temps. Il en est de même pour le cinéma hollywoodien qui, avec des films comme Cuba (1979) de Richard Lester, Havana (1990) de Sydney Pollack ou encore The lost city (2005) d’Andy García, renvoie encore et toujours à l’île d’avant la révolution castriste. Des films certes très beaux, mais qui trahissent, souvent malgré eux, la vision du propriétaire parti en laissant sa maison close et qui s’attend à la retrouver à l’identique à son retour.
Les amoureux de Cuba, les vrais, savent bien que l’identité de l’île ne s’arrête pas à ces regards nostalgiques ni aux slogans éculés d’un pouvoir à bout de souffle qui cachent souvent une réalité autrement différente. Pour merveilleuses qu’elles soient, ces visions n’en sont pas moins des stéréotypes qui ont contribué à façonner une image figée d’un pays dont le dynamisme n’est plus à démontrer.