Carnets d'avant la fin du monde
Au début des années 70, un jeune dessinateur qui signe Fournier commence à s’attaquer, dans les pages de Hara-Kiri, puis de Charlie Hebdo, à tous les pollueurs de la planète, des pétroliers du Torrey Canyon, aux chimistes de l’agro-alimentaire, en passant par les promoteurs du100% nucléaire, jusqu’aux arracheurs de haies et autres bétonneurs. Franc-tireur d’une résistance qui ne s’appelait pas encore écologique, Pierre Fournier réussit à alerter de nombreux contestataires, dont certains rescapés des communautés d’après 1968. Ces écolos n’ont pas de chef, pas de mouvement structuré, mais Fournier, en porte-parole véhément et en polémiste pugnace, dispose d’une tribune nationale avec Charlie-Hebdo, relayée en novembre 1972 par la création de son propre mensuel : La Gueule Ouverte. Les manifestations antinucléaires se succèdent et déplacent des milliers de personnes, un peu partout en France. Mais le 15 février 1973, Fournier meurt subitement d’une crise cardiaque. Il a trente-six ans. EDF et Rhône-Poulenc, réunis et soulagés, lui offrent virtuellement une somptueuse couronne mortuaire sous la plume de Cabu.
Peu avant sa mort, entraîné dans ce combat militant, Fournier se prenait à regretter le temps où le dessin était sa véritable passion ; il souhaitait retourner à ses crayons, dans la montagne de son enfance, en Savoie.
Ce sont précisément les carnets de cette époque d’avant Charlie-Hebdo, et d’avant La Gueule Ouverte, que ce volume propose de faire découvrir en publiant près de 200 dessins demeurés inédits, dessins surprenants, pris sur le vif, dans le métro, dans les bars, à la maison ou en pleine nature. Le regard intime d’un visionnaire.