Tout peut arriver
Dans les aventures d’Anna Sommer, il n’y a pas d’aventures. Tout peut donc arriver. Ainsi, elle nous entraîne dans sa vie la plus secrète, sans jamais recourir aux procédés habituels de la narration : l’intrigue, le suspense, le happy end… Elle va gratter là où il ne faudrait pas, dans le détail le plus infime, et relate une anecdote presque insignifiante, une phrase anodine, en visant toujours au juste milieu, là où l’innocence se partage avec l’effroi face à l’aventure — la vraie — d’exister, de grandir, de vieillir. Et c’est ici toute sa malice, son humour incomparable, son courage de dire l’indicible. Les philosophes allemands diraient d’Anna qu’elle a une sacrée vision du monde (une « Weltanschauung »). Elle démontre aussi un talent exceptionnel à faire s’entrechoquer la bande dessinée la plus classique et l’art de l’immobilisme, de la suggestion. Provocation rare, par les temps qui courent.