Livret de famille suivi de La trempe
Dans Livret de famille et La Trempe, le parolier du groupe Zebda s’est révélé en boxeur littéraire : textes engagés ou enragés voisinent avec souvenirs d’enfance et blessures d’en France.
Livret de famille : Dans cette suite de récits, souvenirs, textes d’humeur ou d’opinion, Magyd Cherfi évoque la cité de son enfance, les délices et les galères de la Ville rose, la beauté des filles confisquée par la loi des frères, le cœur (et le portefeuille) à droite des dieux du football, les mérites comparés des Omeyades et des Gaulois, les peines et les joies de l’embrouille identitaire – tout ce que suggère, recèle, symbolise ce document officiel, national et pourtant si privé : le livret de famille.
La Trempe : “Si t’as pas de fric, t’es pas d’ici” : on l’attendait sur l’immigration, Magyd Cherfi revient par la fracture sociale. En huit brefs récits vifs et tendres, mixant un sens du rythme festif et une acuité qui porte à la mélancolie, l’ex-parolier de Zebda fait un sort aux pièges de l’identité nationale et des horizons confisqués. Les paradoxes et les débordements de l’amour maternel qui exclut et paralyse au lieu d’émanciper, la petite mort des illusions, les coups de boomerang du rock’n’roll engagé, la violence des rites d’initiation de terrain vague, les rêves de sensualité inassouvis, chaque texte est une tentative d’inventer la langue et le vocabulaire inédits de sentiments tus, trop longtemps retenus.
Et c’est à la seule force du verbe que Cherfi feinte et cogne et fait voler en éclats de littérature brute les impuissances entretenues et l’acharnement d’un destin qui toujours le renvoie “chez les défaits les sombres les aplatis les miens” – sans jamais plier ni geindre.