L’'amour au temps de l’'enfant de Mahlstadt
Il est rare que des nouvelles produisent un effet aussi fort et déstabilisant. Parfois très courtes, toujours mystérieuses, elles laissent le lecteur sans voix devant des situations inexplicables ou grotesques, des gestes tendres ou insidieusement cruels.
Pourquoi une femme se laisse-t-elle enfermer dans une cage dans sa propre cuisine ? Qui est cet homme qui vit seul sur une planète et que signifient ces tendres ailes roses qui poussent sur le dos d'une certaine Lilly ? Mais c'est la nouvelle éponyme qui est sans doute la plus énigmatique. Que faut-il penser de cette statue érigée dans une impasse au milieu de la ville ? Elle représente un enfant à la peau crevassée qui baisse les yeux, comme humilié. Toute la journée les habitants se rassemblent autour de cet enfant, en manifestations festives et musicales. Mais la nuit, avec les poings, avec des bâtons et des chaînes, ils viennent frapper sur la sculpture dont la terre glaise ne sèche pas et reste molle, sur cet enfant de Mahlstädt. L'artiste leur a laissé le soin de le terminer. Il leur a confié la tâche de "lui donner la forme considérée comme parfaite pour un enfant". D'abord enflammés par l'amour de l'art, les habitants de la ville deviennent vite ivres de colère, au point d'en perdre presque la raison. Par leur densité et la rigueur implacable qui amènent leur chute, ces nouvelles enthousiasmantes dégagent une autorité tranquille qui ne trompe pas.