Marx et la double structure de la religion : de l'opium du peuple au fétichisme de la marchandise
La formule de la religion comme l'opium du peuple fait partie de la définition consacrée de ce qu'on appelle l'idéologie chez Marx : la religion est ce système de représentations qui à la fois empêche de critiquer et qui légitime un ordre social existant. Mais ce rapport entre la religion et l'idéologie chez Marx demande à être problématisé. En effet non seulement évolue-t-il, car Marx prend conscience que le capitalisme ne peut pas se justifier avec une promesse que les pauvres auront une vie meilleure post-mortem, mais encore il ne cesse de ré-élaborer sa critique de la religion tout au long de son oeuvre à travers trois concepts : l'aliénation, l'idéologie et le fétichisme. Cette ré-élaboration conceptuelle nous permet de poser cette question : la théorie du fétichisme des marchandises chasse-t-elle encore sur les terres de l'idéologie ? Un fétiche n'est-il pas autre chose dans sa production et ses effets qu'une idole ? C'est pour cette raison que nous proposerons trois textes de Marx. Le premier appartient au Marx de la jeunesse, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843). Le second, qui appartient aussi à la pensée du jeune Marx, est une partie des Manuscrits de 1844. Enfin le troisième est une partie du livre premier du Capital (1867).