Penser avec Fukushima
Le mot avec est écrit en italiques parce qu'il prend ici la place d'un autre qu'on attendrait, mais qu'on doit s'interdire d'écrire, du moins tant qu'on n'a pas réfléchi à ce qu'il signifie désormais : après. L'ensemble d'événements rassemblés sous le nom de Fukushima n'a en effet pas achevé son déroulement, quoi que certaines voix intéressées essaient d'en dire, et c'est pourquoi après serait une erreur objective. Il n'y a pas, pour l'instant, d'après Fukushima, et au fond, l'alarme dont ce livre est aussi la traduction tient à ce détail sémantique d'importance majeure.
Si la préposition après ne convient pas pour penser Fukushima, c'est qu'il n'y a pas d'« après-Fukushima », au sens où on pourrait passer à autre chose, « dépasser » Fukushima. Pourtant, il y a bel et un bien un monde - à décrire, à critiquer, mais aussi à construire et à accompagner - à partir de cette catastrophe et sous sa lumière.
C'est ce que ces textes s'efforcent de mettre en place : venus d'horizons variés (littérature, philosophie, histoire de l'art, poésie, géographie), ils s'efforcent tous de penser après Fukushima si l'on veut, dans son ombre portée, contre Fukushima évidemment (dans ses effets mortifères), mais surtout avec Fukushima, c'est-à-dire en tenant compte de Fukushima, dans la proximité sans cesse renouvelée de ses problèmes et de ses ressources, de ses paysages et de ses habitants.