L'Economie politique, N° 53, Janvier 2012 : Comprendre la ville
L'Europe est mal partie. Non pas parce qu'une agence de notation a dégradé la note de tel ou tel pays, France y compris. Mais parce que les décisions de ses dirigeants actuels, en premier lieu français et allemands, l'envoient dans le mur.
Comme le montre bien l'économiste Michel Aglietta dans son dernier livre, notre continent vit une double crise : celle du manque de compétitivité des pays du Sud (Grèce, Portugal, Espagne) et celle de leurs déficits extérieurs, exacerbée par une dérive de la finance privée.
La création de la monnaie unique a accru la polarisation des activités économiques au sein de la zone euro, créant une divergence des économies réelles, pendant que la convergence des taux d'intérêt vers les taux bas allemands et l'absence de régulation nourrissaient une bulle financière dont la gestion a contribué à plomber les comptes des Etats.
Pour s'en sortir, la zone euro doit se doter d'une banque centrale qui vise des taux à long terme les plus bas possibles et d'une politique budgétaire commune orientée vers la croissance. Mais elle doit aussi agir à long terme, en lançant un plan Marshall à l'échelle du continent fondé sur une politique industrielle environnementale, le nouveau domaine de l'innovation capable d'amorcer un nouveau cycle de croissance, pour suivre Michel Aglietta. Au lieu de cela, l'Europe négocie aujourd'hui les modalités d'une union d'austérité. Prise entre les marchés, ses technocrates et les eurosceptiques (dont la Banque centrale européenne ?), elle n'avance plus. On dit que l'Europe se nourrit de ses crises. Encore faut-il que ses leaders sachent en saisir l'opportunité. Cela ne semble malheureusement pas être le cas aujourd'hui, et l'Europe finira par le payer.