Guy Debord automytographe
Théoricien, « stratège » - ainsi qu'il s'est défini -, cinéaste, acteur de ses seuls films, mémorialiste, révolutionnaire, membre du Lettrisme (initié par Isidore Isou) et membre de l'organisation politique Socialisme ou Barbarie ; cofondateur de l'Internationale lettriste (1952-1957) et de l'Internationale situationniste (1957-1972), Guy Debord (1931-1994) a principalement aspiré à projeter sur ses productions les traits de l'exceptionnel.
Entouré de quelques compagnons ou seul, d'abord intuitivement, puis avec une conscience maîtrisée, Guy Debord, pour réaliser ses desseins artistiques et politiques, a convoqué une grande variété de visages et de récits exemplaires, de personnages de fiction et de figures historiques mythifiées. Il s'est projeté sur eux, s'y est recrée pour s'approprier leur puissance et leur prestige. Ainsi a-t-il réussi à façonner une statue d'encre et d'images qu'il a dressée devant ses contemporains comme devant les temps futurs.
Parmi les qualités intrinsèques de l'oeuvre léguée par Debord, les développements et rapprochements auxquels elle donne lieu sont l'un des traits les plus remarquables. Car s'intéresser à l'oeuvre de Guy Debord, c'est inévitablement explorer une partie de l'imaginaire européen et de ses sources. C'est pour cela qu'une place importante est ici accordée à des personnages aussi différents que Søren Kierkegaard, Ludwig Feuerbach, Karl Marx, Lautréamont ou encore André Breton. C'est pour cela qu'explorer l'univers du cycle breton, celui du millénarisme, des sociétés secrètes, du messianisme révolutionnaire, de la Bible se révèle déterminant pour saisir les ressorts de la pensée exprimée par Guy Debord, et par extension, pour saisir les mythes et les rites qui ont formé les mouvements d'avant-garde.