Le fils perdu de la République
Le 7 janvier 2010 au matin, Philippe Séguin décède d'une crise cardiaque dans son sommeil.
Sa mort brutale, à 66 ans, suscite une émotion nationale. Pourtant, président de la cour des Comptes, il n'occupe plus alors de fonction élective. Il s'est retiré de la vie politique en octobre 2002 après un échec cinglant aux élections municipales parisiennes en 2001. Son parcours semblait faire de lui un modèle de réussite républicaine. Né en Tunisie en 1943, il avait été élevé par sa mère dans le culte d'un père, engagé volontaire dans les troupes de la France libre, mort au combat en 1944. La France était sa passion, de Gaulle son héros. Entré à 30 ans au cabinet du président Pompidou, il lie son destin à celui d'un jeune ministre, Jacques Chirac, qui lui ouvrira les portes du gouvernement. Élu député en 1978, Philippe Séguin deviendra ministre des Affaires sociales dans le gouvernement de Chirac en 1986.
Héraut du « non » au référendum sur Maastricht en 1992, il apparaît pendant quelques années comme un présidentiable crédible. Pourtant, près des cimes, son destin vacille. Philippe Séguin s'acharne à détruire ce qu'il a construit. En 1999, il démissionne soudainement et sans raison apparente de la présidence du RPR et de la tête de liste aux élections européennes. L'année suivante, son attitude pendant la campagne des élections municipales à Paris face à Bertrand Delanoë décourage ses plus fidèles partisans. Buvant deux bouteilles d'alcool par jour, fumant trois paquets de cigarettes, il mène une vie qui ruine sa santé personnelle et son crédit politique. Quel est le mystère de cet homme tourmenté, colérique, dépressif qui pouvait aussi être joyeux, chaleureux, amical ? Pour l'élucider, Michel Taubmann, à travers une enquête approfondie, a rencontré plus de 80 témoins : dirigeants politiques, membres de la famille, amis d'enfance et de jeunesse. Il révèle le secret qui a sans doute miné l'homme politique : celui de sa naissance.