Ivry, banlieue rouge. Capitale du communisme français, XXème siècle
Ivry-sur-Seine peut se prévaloir d'un héritage et d'une longévité politiques auxquels peu de villes de son importance et de son aura symbolique peuvent prétendre. Son histoire contemporaine fait écho à l'expérience du socialisme municipal et de la banlieue rouge, communiste et industrielle, qui, au cours du 20e siècle, marquent de leur empreinte le paysage de l'agglomération parisienne. Dès les années 1920, cette cité ouvrière s'érige en « fille aînée » du communisme urbain et en « capitale du communisme français ». Sous l'autorité tutélaire de Georges Marrane maire d'Ivry et de Maurice Thorez, député de la ville et secrétaire général du Parti communiste, la ville se présente pendant près d'un demi-siècle en modèle de sociabilité militante, d'opposition au régime capitaliste et de contestation de l'ordre établi. Elle devient aussi un lieu emblématique du déploiement du communisme municipal dont les réalisations sont citées en exemple en France mais aussi en URSS, le pays du « socialisme réel » et de la dictature du prolétariat, que la ville rouge aime à dépeindre sous les traits d'une terre radieuse.
C'est cette expérience politique et historique de près d'un siècle que l'historien Emmanuel Bellanger, chercheur au CNRS, met en perspective en remontant aux sources du communisme ivryen, les années 1880-1890. Il décrit les tensions qui traversent l'époque, les renoncements et les violences qui la caractérisent, les compromis qui s'imposent à des acteurs politiques que tout oppose ainsi que les fiertés d'être banlieusard et d'appartenir à un territoire de conquête. Emmanuel Bellanger achève son récit sur la rupture fondamentale que constitue pour la banlieue rouge la désindustrialisation qui fragilise la société locale et accentue les divisions qui l'affectent. L'ouvrage est documenté par une centaine d'illustrations et se clôture par une anthologie commentée de textes d'archives couvrant les années 1990 aux années 2000.