Pétrée
Cet ouvrage est une réédition d'un livre classique épuisé et devenu introuvable. L'édition originale de ce texte d'Eugène Guillevic et des photographies de Marc Tulane date de décembre 1987 (coédition Créaphis / la Tuilerie tropicale).
Grand poète des pierres (et en particulier des pierres " obstinées " de Bretagne), Guillevic (dont le nom même résonne comme un éclat étincelant) a créé ce joli néologisme " Pétrée " au regard des photographies de Marc Tulane.
Ici l'accord le plus juste se trouve entre la présence des pierres dures, polies, froides, et l'analogie que procure la photographie en révélant des formes sensuelles du corps d'une femme couchée, comme " née de la vague ". Le poème est d'ailleurs chargé d'un érotisme latent en parfaite harmonie avec le refrain visuel des sept photographies qui balisent le texte.
Cet espace – c'est aussi un estran – de rochers, de vagues et de granit offre un entre-deux pour la rêverie et une sorte de méditation concrète... L'attachement de Guillevic aux images de ce rivage n'est pas étonnant pour un poète dont le premier recueil s'est intitulé Choses. Ce n'est pas sans rappeler que Le Parti pris des choses de Francis Ponge est paru la même année que Terraqué (1942). Ce lien aux choses de la terre et de l'eau, aux éléments les plus simples, le poème Pétrée l'exalte dans sa forme brève chère à l'auteur. Très peu de mots, des retours à la ligne, une adresse directe au lecteur sous la forme d'un " tu ".
Pétrée s'inscrit donc dans une ligne directrice, majeure de l'œuvre de Guillevic, où apparaît l'enseignement d'une poésie " objective " chère à Rimbaud déjà mais qui s'exprimera particulièrement chez les poètes américains du courant objectiviste.