Trembler pour l'autre : Pour une éthique du cinéma
Un livre de philosophie peut parfois se lire comme un récit à intrigue, à suspens, à surprises.
Mais nous pourrions entendre ce propos en l'inversant: le récit à intrigue peut se révéler pleinement philosophique.
Trembler pour l'autre pose ainsi les jalons d'une histoire alternative du cinéma de fiction, où textes et images s'éclairent mutuellement au cours d'un dialogue fécond avec la pensée - en particulier avec celle d'Emmanuel Levinas.
De même en va-t-il avec la notion de « substitution », qui se trouve au principe même de la mise en scène dans Solaris de Tarkovski. Ici le surnaturel - ou l'inspiration - ébranle en profondeur toute théorie de la connaissance.
Cet ébranlement est également bien présent dans les films de Béla Tarr. En particulier dans Les harmonies Werckmeister, où le visage de l'autre s'expose dans sa fragilité, et fait surgir la honte chez le sujet.
Enfin, la notion de « subjectivité» comprise selon les termes du penseur, est un tenant-lieu de ce qui n'a pas lieu, du tiers exclu toujours en exil, qui ne saurait apparaître que sous le masque de la comédie. Tel est le ressort d'un film sérieusement drôle et drôlement sérieux: Zelig de Woody Allen.
L'ambition de ce livre est donc bien de montrer comment sont liées réflexion et représentation.
Et peut-être le dépassement de cette dernière est-il, depuis longtemps mais sans qu'on y soit toujours attentif, l'une des sources de la modernité, tant en art qu'en philosophie.