Prisonniers en terre promise : Un Juif et un Palestinien au camp de Ketziot
Le témoignage vivant d’un journaliste au parcours exceptionnel, à la fois acteur et témoin du conflit israélo-palestinien. Un récit qui se lit comme un roman. Jeffrey Goldberg, jeune juif américain plein d’illusions, décide de partir s’installer en Israël. En 1991, après avoir fini son service militaire à Ketziot, un camp de détention construit à la va vite en plein désert pour faire face à l’afflux de prisonniers palestiniens lors de la première Intifada, il devient journaliste et couvre le Moyen Orientpour divers journaux. De retour aux Etats-Unis, Goldberg reste cependant très marqué par son expérience à Ketziot et n’a de cesse de retrouver d’anciens prisonniers pour poursuivre avec eux, notamment avec l’un d’eux, Rafiq, les discussions interminables commencées des deux côtés des barbelés. Avec une douloureuse et lancinante question : le dialogue est-il encore possible ? Se parler peut-il faire taire les armes ? Très beau témoignage sur les illusions perdues d’un jeune juif à la recherche de ses racines, Prisonniers en terre promise retrace une aventure singulière et néanmoins universelle.
Gaza, par une chaude journée, un homme est arrêté dans un café par un groupe armé. Qui est-il ? Que fait-il là ? Est-il l’espion que l’on le soupçonne d’être ? Le récit commence comme un roman d’espionnage. Il ne s’agit pourtant pas d’une fiction mais d’un témoignage, celui d’un journaliste israélien et américain, témoin de premier plan du conflit israélo-palestinien de ces quinze dernières années.
En 1990, le jeune Américain Jeffrey Goldberg, mal à l’aise dans une Amérique qu’il ressent comme hostile aux juifs et motivé par les animateurs des camps de jeunesse sionistes qu’il fréquente l’été, a fait son alya. Il finit son service militaire dans l’armée israélienne comme gardien du camp de Ketziot. Six mille Palestiniens, arrêtés pendant la première Intifada, y sont détenus dans des baraquements construits à la va vite, en plein désert, pour faire face à l’afflux de prisonniers. Les conditions sont dures mais les prisonniers s’organisent, selon leur appartenance politique et religieuse. La fonction de J. Goldberg lui permet de discuter avec certains détenus : il ne s’en prive pas, malgré les railleries des autres gardes. Avide d’échanges, il essaie de comprendre la raison du soulèvement, la nature des relations entre juifs et Palestiniens, la différence entre le judaïsme et l’islam. Il noue alors une relation exceptionnelle avec l’un d’eux, Rafiq Hijazi.
Sans jamais porter de jugement moral, J. Goldberg rapporte les propos de ces hommes qui sont les ennemis du pays qu’il s’est choisi. Son récit permet de comprendre, de l’intérieur, comment la répression nourrit la révolte. Le camp de Ketziot n’est-il pas un beau cadeau que les Israéliens ont offert aux Palestiniens en leur permettant de transformer de jeunes lanceurs de pierre politiquement analphabètes en militants ? "Une merveilleuse école de formation", préciseront de nombreux chefs palestiniens passés par là, quand il les interviewera quelques années plus tard. Le paradoxe n’a pas échappé au jeune soldat, qui, une fois revenu à la vie civile, va chercher à comprendre la nature du conflit qui se déroule sous ses yeux. Il devient reporter et sillonne le Moyen Orient pour des journaux israéliens et américains.
La naïveté du jeune sioniste a fait place à une vision lucide du conflit israélo-palestinien, forgée par ses rencontres avec de nombreuses personnalités politiques et religieuses parmi lesquelles des kibboutznikim toujours socialistes, le cheikh Yacine à son domicile, un officier du Shabak à Ketziot, le maulana Saniul Rhaq dans la madrasa Haqqania au Pakistan, un activiste du Hamas … Il accompagne avec enthousiasme les progrès du camp de la paix… et assiste, impuissant, au durcissement de la situation et au second soulèvement dans les territoires occupés.
Confronté au choc de la différence entre son attente de la Terre promise et la réalité du conflit, J. Goldberg retourne vivre aux Etats-Unis, se marie, devient père. Rafiq, quant à lui, étudie à Washington et y devient professeur de mathématiques à l’université. Lui aussi est marié. Ils se revoient à plusieurs reprises : à Gaza, à Washington, à Abou Dhabi. À travers leurs échanges, au fil du temps, le récit confronte leurs divergences religieuses, culturelles et politiques et révèle les peurs, les préjugés, les justifications et les aspirations de chacun. Il met aussi cruellement en lumière l’évolution du rapport de forces entre le Fatah et le Hamas, la progressive islamisation du conflit et le rejet patent du mode de vie occidental par certains universitaires palestiniens formés dans les grandes universités américaines.
Le tragique de la situation actuelle n’empêche pas Jeffrey Goldberg de garder foi en la vertu du dialogue et de conserver l’espoir d’une résolution du conflit israélo-palestinien. Un espoir ténu, auquel il se raccroche.