La Ville Vue d'en bas
Les processus de désindustrialisation massifs à l oeuvre depuis les années 1970 ont progressivement conduit à l effacement de la ville ouvrière en même temps qu elles ont entraîné la relégation de sa population aux marges du salariat. Comment continuer de vivre et de subvenir à ses besoins dans ce contexte ? Que font ces gens dont on dit qu ils ne font rien ? Et quel type d organisation sociale correspond au développement de l économie de subsistance, informelle, qui s impose aux habitants de ces espaces ? Fruit d une enquête collective menée dans la ville de Roubaix, cet ouvrage montre que contrairement à ce que suggère une rhétorique de la désaffiliation associée au vocabulaire du « ghetto » ou certaines critiques se focalisant sur la notion de « communautarisme », le caractère de centralité de ces territoires n a pas disparu pour les personnes qui y vivent. D économique, la centralité des villes de tradition industrielle est en effet devenue populaire : ces espaces partiellement autonomisés du salariat et des systèmes sociaux dominants cumulent des fonctions d accès au logement, à l activité, aux ressources de santé et d éducation qui atténuent la dépendance de leurs occupants aux logiques du marché. Les fonctions d intégration sociale autrefois dévolues à l usine se voient ainsi transférées à l habitat et à la ville, tandis que le travail de subsistance façonne et transforme en profondeur l espace en même temps que les systèmes de valeurs, les hiérarchies et les interactions sociales qu il accueille, d une manière telle que ces dynamiques entrent tôt ou tard en conflit avec les normes des classes dominantes qui pensent et conçoivent la ville aujourd hui.