Proprement dit : Entretien sur le mythe
Les livres d'entretiens ont quelque chose d'ingrat. Leur pente naturelle est néfaste ou fatale. Rares sont ceux qui s'en exceptent, et font qu'on n'y lit pas ce qu'on savait déjà, satisfaisant à la célébration, quand ce n'est pas à la flagornerie naturelle à ce genre.
Celui s'en excepte nettement. Mathilde Girard, jeune intellectuelle, philosophe et psychanalyste, qui avait commencé de s'entretenir avec Jean-Luc Nancy dans le n° 43 de Lignes consacré à Maurice Blanchot continue ici de s'entretenir avec lui, à la demande de celui-ci, sans plus de rapport explicite avec Blanchot, mais dans le rapport le plus étroit avec ce qui fait le coeur de l'oeuvre nancéienne : le mythe et la communauté.
Cette dernière est longuement questionnée et commentée, questionnement et commentaire qui prennent appui, c'est en quelque sorte le commencement de cette pensée, sur le romantisme d'Iéna (et le livre L'Absolu littéraire), continue via Heidegger et la question du « communisme » selon Nancy, les communautés qualifiées par lui tour à tour de « désoeuvrée », « affrontée » et « désavouée », (son dernier livre, paru en 2014) pour enfin déboucher, longs moments de ce livre qui n'est pas que théorique mais aussi personnel et subjectif, sur la communauté amicale et réflexive constituée dans et par l'amitié avec Philippe Lacoue-Labarthe (ce que signifie, représente, engage d'écrire en commun, d'écrire à deux), laquelle forme de façon subreptice la basse continue de ce livre, dessinant à la fois un autoportrait (inattendu) et un portait de l'ami disparu.