FELIX ARNAUDIN - OEUVRE PHOTOGRAPHIQUE (1874-1921)
Au milieu du me siècle, par une loi de 1857, le Second Empire transforme de fond en comble les Landes de Gascogne – une des régions de France alors les plus à l'écart du «progrès», pays de landes et de marais– pour les planter en pins maritimes. Ce faisant, il impose progressivement, en plus d'un nouveau paysage, un nouvel ordre social et économique. Félix Arnaudin, né dans la lande ancienne vouée à l'itinérance agro-pastorale, refuse ce bouleversement. Pendant cinquante ans l'ethnologue landais, s'acharnant à recueillir les traces et les signes d'un monde qui disparaît, réalise une des oeuvres photographiques les plus cohérentes et les plus sensibles, sur le plan artistique comme sur le plan documentaire, de l'histoire de la photographie française naissante. Comme Eugène Atget, mettant en images un Paris en voie de transformation, comme Henri Peach Robinson en Angleterre, ou comme Edward Sheriff Curtis dans son monumental The NorthAmerican Indian, Arnaudin laisse un fonds considérable, témoignage mélancolique et sublime sur son propre pays. Avec ses immenses étendues désertes et marécageuses sur lesquelles circulent des troupeaux de brebis gardées par des bergers sur échasses, on a parfois du mal à croire que le monde qu'il photographie fait partie du territoire national. Le pays d'Arnaudin émerge dans ces images comme un paradis perdu, un monde d'avant la chute, mais aussi une utopie sans doute, que le photographe immortalise à jamais. Débuté en 1874, il poursuivra ce travail jusqu'à sa mort, en 1921. L'ensemble – plus de 3 000 plaques de verre et près de 2 500 tirages originaux–, conservé au musée d'Aquitaine, à Bordeaux, et par le Parc naturel régional des Landes de Gascogne, doit trouver aujourd'hui toute sa place dans l'histoire de la photographie.