La fête des mères
« Par la fenêtre, la clarté de la nuit éclairait l'escalier aux marches peintes en blanc, je n'ai plus bougé. Je ne voyais que le palier, le tapis bleu qui recouvrait en partie les marches, les appliques en bronze doré imitant des torchères, mon ombre sans trop d'ambition d'enfant. Je n'étais pas vieux, ça se lisait sur le mur. Je ne pouvais pas regagner mon lit, ça m'était interdit par une force inconnue. J'ai traversé le palier, découvert mon père, assis, plus bas. Je voyais ses épaules voûtées, sa nuque. Je l'ai rejoint et me suis assis à côté de lui, écrasé par un poids qui venait je ne sais d'où. Je me disais que je devais faire quelque chose pour lui, c'était capital. Sinon nous irions en enfer. J'ai posé ma main sur sa cuisse, tout doucement pour qu'elle ne soit pas lourde, gênante. Je devais avoir dix ans. Je crois que c'était l'automne. Mon père s'est levé, il m'a tendu la main.
C'était rare, j'étais heureux et triste, bien sûr, parce que je devais savoir que le bonheur ne durait pas. » Une histoire de famille, à Versailles, dans les années soixante. Une famille bourgeoise, apparemment classique. Mais derrière les apparences, se joue l'habituel théâtre des sentiments. C'est sous le regard de Jacques, le fils cadet, que nous assistons au déchaînement de l'ordinaire, qu'il soit comique ou cruel. Comment s'émanciper, échapper à une mère omniprésente et à son amour envahissant, se construire avec un père de plus en plus absent ? Comment supporter le poids de la fratrie et survivre à une maladie mortelle ?
C'est le destin de Jacques.