Marguerite
« Marguerite ne sourit pas, Marguerite ne pleure pas non plus. Elle fixe juste l'objectif du photographe. Un regard qui vous transperce comme un surin d'Apache. Deux yeux noirs et ronds comme des boutons de bottines avec des pupilles qui brillent qu'on les dirait lustrées avec des crachats de haine. Pensez donc, elle a couché avec les Allemands, Marguerite. C'est écrit en gros sur son front et ses joues : trois croix gammées peintes avec le trait épais et gras du goudron encore tout frais. L'une des branches de la croix gammée peinte sur son front déborde sur le sommet de son crâne mis à nu et désormais ourlé d'un minuscule duvet. C'est qu'on l'a tondue Marguerite. Comme une brebis lourde, un bat' d'af, un balafré, un bagnard, un pouilleux. » Marguerite n'est mariée que depuis un mois avec son amour de jeunesse, Pierre, quand ce dernier est mobilisé en septembre 1939. Commence alors pour la jeune femme une vie d'attente et de solitude tournée vers les souvenirs des moments heureux partagés avec Pierre et remplie des petits gestes du quotidien dans une France en guerre et bientôt occupée.
Mais, peu à peu, Marguerite découvre aussi l'indépendance qu'elle n'a jamais eue, au contact de sa nouvelle amie Raymonde, femme libre et hostile aux conventions sociales, de ses collègues femmes à l'usine, d'André le jeune Gitan et de Franz, un soldat allemand pas comme les autres...