Jouer le monde : Critique de l'assimilation du sport au jeu
Et si le sport n'était qu'un jeu ? Au même titre qu'on le dit parfois un art, d'ailleurs. Cela dépend, évidemment, de ce que l'on désigne par « sport », et de ce que l'on désigne par « jeu ». Le propos de ce livre est précisément de nourrir une réflexion à ce sujet. « Sporter », est-ce jouer ? Pour nombre d'auteurs, la présence de règles, de compétitions, suffiraient à faire des sports quelques types de jeux spécifiques. Nous voudrions prendre le contre-pied de cet impensé si communément partagé. L'ouvrage déploie une argumentation en trois temps qui montre comment le sport s'est imposé historiquement et politiquement au cours du XIXe siècle contre le jeu « libre » et les jeux traditionnels notamment. Ce que l'on qualifie alors d'universel dans le sport n'est que l'imposition d'une forme de rapport au corps dont la finalité reste la production de performance et s'oppose en cela au jeu en tant qu'activité libre de création indépendante des règlements et des institutions et dont la finalité se trouve dans l'expérience même, dans le fait de s'éprouver en jouant. Ainsi, nous dévoilons comment le « jouer » est l'objet de tentatives de domestication, d'appropriation par les jouets, les univers ludiques, les parcs d'attractions notamment mais aussi par le sport. Le « jouer » se révèle être alors du côté du « bricolage », du récit, de l'articulation entre monde objectif et subjectif, une poésie du geste toute différente de l'assujettissement que génère le sport. Le développement s'achève sur une réflexion autour de l'acte de jouer comme acte de création de « monde », comme invention de scénarios, comme jeu avec les identités, les rôles, comme expérience corporelle opposée à la répétition sportive et à sa violence.