Jules Verne face au rêve américain
Jules Verne s'est pris de passion pour les États-Unis des années 1860 à la fin du siècle, tandis que le pays finalisait peu à peu ses frontières. Verne prend-il conscience de l'importance historique de l'expansion américaine au XIXe siècle et de ses conséquences pour le globe ? Toujours est-il qu'une vingtaine de romans se déroulent sur le sol américain, en tout ou en partie. L'auteur lui-même, en 1867, effectue un voyage transatlantique, qui débouche sur la rédaction d'Une Ville flottante (1871). Jules Verne s'intéresse à l'Amérique à un moment-clé de son histoire, celui de son basculement : basculement géographique et idéologique du passé vers le futur, de la nostalgie vers le progrès, d'une mythologie vers une autre. Devant ce « sans dessus dessous » géopolitique, le cycle vernien amorce un mouvement vers le pessimisme, la fascination initiale de Verne pour le Nouveau Monde versant dans le désenchantement, en dépit de l'attachement de l'auteur pour la sublime barbarie » des paysages sauvages.
Le pessimisme graduel de Verne à l'égard du Progrès et de l'Amérique - l'un étant consubstantiel à l'autre - est une caractéristique que partagent nombre de créateurs américains, à cet instant de l'histoire, où la réalité contraint le mythe du « rêve américain », à s'infléchir.
L'Amérique s'avère le fil d'Ariane indispensable pour appréhender dans sa globalité la vision vernienne, teintée aussi bien d'exaltation que d'angoisse. Plus que jamais, l'écrivain nantais s'affirme le prophète éclairé de nos temps obscurs.