La révolution en contant : Histoires, contes et légendes
Ce que le lecteur va découvrir, ce n'est pas seulement un corpus de fictions, de récits, de scénarios dont il ne soupçonnait pas l'étendue, mais à quel point " conter " est ici névralgique, pour Louise Michel (1830-1905) et dans sa fin de siècle. Aujourd'hui encore, par un préjugé tenace, la Louise Michel qui écrit ne peut être qu'un auteur d'histoire : on oublie l'écrivain. Or il faudrait au moins ajouter un "s" à "histoire". Si le vainqueur écrit l'histoire ou pense l'écrire, le vaincu écrit des histoires ― si vraies qu'elles s'élaborent en légende ―pour exprimer l'aune côté, le souterrain, l'utopie, ce qui n'est pas encore, la Révolution. Chez elle, le rêve et l'action ne font qu'un, l'histoire et l'imaginaire résonnent. Et quel imaginaire ! Amie du symbole et du frisson, Louise Michel puise en romantique dans le tréfonds légendaire pour l'infléchir : Haute-Marne dont elle était native, monde kanak où elle fut déportée, Bretagne qui la fascine, Paris glauque de la fin du XIXe tiède, même veillée ! Ses contes sont peuplés de vrais ogres, de Barbes Bleues de chair et de sang, tel Gilles de Rais ; ce sont des contes de la puanteur, de la dévoration, de la nécrophilie, de la consommation de chair plus ou moins fraîche ; ce sont des mondes qui s'engloutissent... mais aussi des mondes qui s'éveillent, des harmonies de la nature et des cosmogonies. Les uns sont connus, comme les légendes kanak, ou méconnus, comme Le Livre du Jour de l'An, pour les enfants (jamais réédité) ; d'autres, retrouvés sur les manuscrits ou dans la presse du temps, sont inédits. Rigoureusement présentés et annotés par Claude Rétat, ils sont ici réunis pour la première fois. Cessant d'être épars et cloisonnés, ils peuvent communiquer et nous parler.